Que deviens-tu ? est la question qu'ils se posent l'un à l'autre.- Moi, dit le premier, vous vous rappelez que ma grand-mère tenait une petite guitoune de crêpes à la belle saison ? A son décès je l'ai remplacée un été, puis j'ai continué, c'est devenu une belle crêperie, puis un restau classique, grillades, vins de terroirs, que j'ai installé en centre ville face à la mairie, je fais 150 couverts... ah bien sûr, c'est pas la chaîne Courtepaille, mais c'est déjà un beau restaurant.
- Moi, dit le deuxième, vous devez vous rappeler que mon père réparait nos vélos dans le sous-sol de la maison ? Il m'a transmis le goût de la mécanique, j'ai repris le flambeau, je suis passé aux motos dans le petit garage attenant au pavillon familial, puis aux voitures dans un plus grand local, et l'année dernière j'ai ouvert la nouvelle enseigne Honda sur la nationale à la sortie de la ville... ah bien sûr, c'est pas un réseau de concessions départemental, mais c'est déjà le beau garage.
- Et moi, dit le dernier, les gars, vous ne pouvez pas avoir oublié ma cousine Paulette et sa copine Jeannine, hein, deux fieffées salopes, elles nous ont dépucelés, et presque tout le lycée y est passé, et les trucs incroyables qu'elles savaient faire avec la bouche, en ce temps-là c'était pas banal ! J'ai repris le petit estaminet de mon grand-oncle, qui périclitait avec la délocalisation des usines les unes après les autres, j'ai embauché Paulette et Jeannine comme serveuses, j'ai ouvert trois chambres au premier, j'ai mis une lampe rouge à l'extérieur et d'épais rideaux aux fenêtres... la maison ne désemplit pas, nous avons la meilleure bourgeoisie du coin parmi nos habitués... ah bien sûr, c'est pas le PS, mais c'est déjà un beau petit bordel !